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L’art de la reliure est-il mort ?
ArrayAvoir un atelier en métiers d’art est un exercice d’équilibriste, il me semble, et notamment en reliure, à Montréal. L’art de livre semble condamné, si l’on se fie à ce que l’on me dit souvent… Vraiment ? Je ne suis pas sûre que l’attachement au livre ne subsiste par, pour ma part. Les gens aiment l’objet, les gens aiment laisser des traces écrites, les gens valorisent le fait-main, le fait-local, l’objet sur-mesure.
Pour autant, il est vrai que le métier évolue. Si auparavant, un atelier de reliure pouvait exister en misant sur les reliures classiques que les clients s’offraient pour leurs livres de valeur, ce n’est évidemment plus le cas. Les collectionneurs qui s’offrent de la reliure d’art sont presque inexistants, et les amateurs de reliure classique sont en voie de disparition, appartenant à une autre génération.
La gageure est donc de développer mes services, pour trouver de nouveaux publics…
À cet effet, je développe par exemple les livres de signature, dont j’ai parlé dans le dernier article. Pour un mariage, mais aussi pour une cérémonie funéraire, pour un hôtel ou pour un vernissage.
Je produis aussi des prototypes de boites ou d’objets de présentation, cela s’appelle le cartonnage ou le façonnage. Cela permet à des créatifs de présenter un projet : à des éditeurs, à des investisseurs. Et c’est aussi un service que je propose aux agences de communication qui veulent des outils sur-mesure, en petite quantité, haut-de-gamme.
De la même façon, je fais des portefolios sur-mesure, pour les artistes. Sous forme de reliure cousue, de reliure à vis Chicago, de boite simple ou complexe, de pochette. L’imagination n’a pas de limite !
Et je tente de conserver mon activité de relieure d’art, via les expositions.
Rares sont les clients qui souhaitent s’offrir une reliure sur-mesure, pour leurs livres. Mais je conserve cette activité de plusieurs manières. Tout d’abord, je participe à des expositions collectives, via les associations dont je suis membre : ARA-Canada, AQRAL et CBBAG. C’est souvent à perte, il faut bien l’avouer : on paie les frais de participation, on paie le livre, on passe beaucoup de temps à faire une reliure et on la vend rarement (dans mon cas !) mais je trouve que cela en vaut la peine, pour plusieurs raisons. Déjà, ça me plait. Et puis c’est toujours moteur de devoir travailler sur un projet créatif, pour soi, avec une dead-line. Ça force à apprendre de nouvelles techniques, cela demande de la réflexion. Cela fait aussi beaucoup douter… Ensuite, les oeuvres exposées sont publiées dans un catalogue, ce qui me constitue un corpus de publications. Enfin, les reliures peuvent être soumises au programme d’acquisition de la BAnQ. Et parfois, BAnQ les acquiert (3, pour ma part !)
C’est pourquoi j’étais très contente d’apprendre que ma petite reliure d’art More Do’s Than Don’ts avait été sélectionnée pour l’exposition itinérante Art of the Book 2018.
Art of the Book est une exposition organisée tous les 5 ans, par la Canadian Bookbinders and Book Artists Guild. Les oeuvres sont sélectionnées par un jury international parmi les celles soumises par les membres, et partent ensuite pour 2 ans s’exposer à travers tout le Canada (elle sera à Montréal, à la bibliothèque de l’université McGill à l’automne 2019). Il s’agit d’un petit livre de Benjamin Perret, sur lequel j’ai fait une reliure à l’orientale, avec un décor bord-à-bord en cuir gris, noir et violet. Le titre est incrusté à niveau avec les mêmes cuirs.
La prochaine exposition à laquelle je participerai sera celle organisée par ARA-France, sur les écrivains de la Grande Guerre, en décembre 2018.
Et vous, qui avez un atelier, vous marchez aussi parfois sur un fil ? Participez-vous à des expositions collectives ou votre temps est-il entièrement consacré à faire rouler l’atelier?