Le hot stamping, le marquage à chaud et la dorure…

Pigments dorure

Cet article du Devoir, sur la fonte Futura, et la série sur le même sujet qui semble devoir suivre, m’a donné l’idée de vous parler de hot stamping (le vocabulaire technique au Québec est presque toujours en anglais, très influencé par la proximité des US, fournisseur essentiel de machines outils et de matières premières. Si le Canada a adopté le système métrique, on continue beaucoup de mesurer en pouces et pieds, à cause des matériaux tels le papier et le carton qui continuent d’être ainsi conditionnés).

La dorure traditionnelle

En reliure, on fait des livres, je ne vous apprends rien. Traditionnellement, le travail de décor à l’or et de titrage n’est pas celui du relieur mais du doreur. Celui-ci peut s’occuper des tranches, du décor et/ou du titre. Il y a encore des relieurs qui font appel à des doreurs afin de titrer leurs oeuvres, souvent de très grande valeur. Si vous ne connaissez pas le travail de Louise Bescond, je vous encourage à le découvrir. Elle poste souvent sur son compte instagram le travail des doreurs auxquels elle fait appel.

Bookbindesign, by Kevin Noakes
Bookbindesign, by Kevin Noakes

Avec le développement contemporain des décors, les lignes sont devenues plus floues entre les deux disciplines. Le métier de doreur a évolué : certains doreurs travaillent aussi beaucoup les décors, qui ne font pas forcément appel à la dorure proprement dite. Hélène Jolis est une doreure française qui a notamment fait beaucoup de décors en incrustation à niveau.
De nombreux relieurs se sont mis peu à peu à faire leur titre eux-mêmes, et ce, pour diverses raisons. L’accès à des doreurs en est un : c’est clairement un métier très spécialisé, peu présent au Québec. C’est aussi une question de coût : faire appel à un doreur se justifie pour des reliures de création, exécutées sur des livres ayant une grande valeur bibliophilique. Pour une reliure de thèse, aussi soignée soit-elle, il est difficile de justifier le coût d’un doreur. Enfin, il y a la volonté par certains relieurs d’avoir la main sur toutes les étapes de création de leur reliure, titre inclus.
En France, le titrage se fait en général au composteur à main (qui permet de composer des mots) ou avec des lettres sur tige (chaque lettre est montée sur un manche en bois et est apposée sur le cuir individuellement, comme sur la photo ci-dessus, issue du site de Kevin Noakes, Bookbindesign, fabricant d’outils pour doreur). Les fleurons, filets et roulettes sont aussi montés sur tige. Traditionnellement, ils sont chauffés sur des petits fours à dorer, ou réchauds, et la température est contrôlée en refroidissant le fer sur une éponge mouillée.

Le hot stamping ou marquage à chaud

Kwikprint
Kwikprint

Au Québec, nous avons largement adopté la Kwikprint, issue de l’industrie. La machine exige de travailler à plat (alors que le composteur à main peut être utilisé sur le livre déjà fini). Elle permet de placer dans son balancier chauffant soit des caractères mobiles de bronze (ou de plomb) et ainsi composer un titre, soit une matrice métallique (appelée aussi cliché) qui offre ainsi des possibilités infinies de design (c’est fort utile pour un logo, par exemple, ou pour une fonte spécifique).

Les impressions se font par transfert de chaleur : avec une Kwikprint, ce n’est pas la pression qui permet le titrage (le levier à main ne permet pas de décupler la force du bras) mais les 300°F (encore une concession du système métrique au voisin américain, made in Florida oblige). D’où le nom de hot stamping. Nous avons aussi désormais un très large choix de pigments : la dorure ne se fait plus qu’exceptionnellement à l’or véritable et nous travaillons avec du film Oeser, bande de film plastique enduite de pigments d’un côté et qui offre tous les effets imaginables (iridescence, brillance, effet pailleté, …).

Les relieurs équipés de Kwikprint peuvent donc offrir un assez large éventail de possibilités, mais ne sont pas en mesure de faire ce qu’on appelle le deboss, en creux, ou emboss, en relief (on peut parler d’embossage ou de gaufrage en français), qui nécessitent des machines pouvant déployer beaucoup plus de pression (machine hydraulique, par exemple).

Pour mener à bien des projets qui demandent des matrices de plus grand format, des effets de superposition ou du deboss, ou encore pour des petites séries, il faut alors faire appel à des sous-traitants, qui ne s’occupent que cet aspect-là.

Le marquage au fer

Personnellement, je travaille donc souvent à l’aide de ma Kwikprint, soit avec des caractères de bronze, soit avec des clichés. Cela me permet de traiter la plupart des commandes des clients, ou mes reliures que j’envoie en exposition.

Pour les décors cependant, j’utilise des fers hybrides, très prisés en maroquinerie. Ils s’apparentent aux fers sur tige mais sont alimentés par l’électricité. Sur le manche en bois, branché à un transformateur, se vissent les fers. Cela permet ensuite de tracer sur le cuir des motifs à main levé, ou en suivant des guides. Ils permettent aussi de faire des aplats, ou des points. J’apprécie beaucoup la liberté créative qu’ils offrent.

Vous avez des questions en matière de dorure ? Un projet à mener à bien ? Contactez-moi et on en parle !
Et sinon, faites-moi part de votre pratique en matière de dorure, c’est toujours intéressant de découvrir de nouvelles façons de faire !

Reliure 'L'Avalée des avalées'.
L’Avalée des avalées, de Réjean Ducharme. Décor au fer, tracé à la main

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